Productivité en France : un bilan contrasté face à ses voisins européens ?

Une productivité en berne depuis la crise sanitaire ?

Historiquement, la France a souvent été l’un des pays européens les plus productifs. Numéro 1 de 1986 à 2024 d’après l’OCDE, la France se distinguait notamment par sa productivité horaire, c’est-à-dire la production par heure travaillée. Lors des années suivantes, la productivité horaire en France a régulièrement été supérieure à la moyenne de l’Union Européenne, et souvent comparable à celle de pays dynamiques comme l’Allemagne et les Pays-Bas. De quoi hisser fièrement le drapeau bleu-blanc-rouge ! 🇫🇷

En termes de productivité par employé (la production par tête), la France se situe également en bonne position, mais légèrement derrière certains pays nordiques comme le Danemark. Cela s’explique en partie par des taux d’emploi relativement élevés et des politiques favorisant le bien-être des salariés dans ces pays.

Selon les données de l’OCDE, en 2022, la France se classait par exemple au 6ᵉ rang en termes de productivité en Europe, derrière l’Irlande, le Luxembourg, le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas.

Plus récemment, la crise sanitaire a toutefois eu un impact négatif sur la productivité française, qui a reculé de 6,4% par rapport à son niveau d’avant-crise, d’après un bulletin récent de la Banque de France. Un recul plus important que nos voisins européens qui pose forcément question (-4,6% en moyenne dans la zone Euro).

Alors, est-ce le début d’un déclin, ou une simple histoire de conjoncture ?

Des causes qui amènent à la prudence

Si les chiffres analysés froidement peuvent susciter de l’inquiétude, les facteurs explicatifs invitent plutôt à la nuance. En effet, d’après le rapport du Conseil National de Productivité, la hausse de l’emploi aurait été plus rapide que celle de l’activité économique en France (+1,5% de taux d’emploi entre 2019 et 2022). Des effectifs qui progressent d’un côté, des carnets de commandes qui ne se remplissent pas aussi vite de l’autre… Vous voyez vite l’équation se dessiner. Aucune étude ne démontre que le Français a intrinsèquement perdu sa productivité, mais la dilution de l’activité répartie sur un plus grand nombre d’actifs a généré une baisse inévitable de la productivité par heure et par tête.💡

Les pouvoirs publics ont également grandement agi en faveur de l’emploi sur les dernières années, avec des aides pendant la crise Covid, la réduction de la durée de l’assurance chômage, ou encore le développement de l’alternance. Un nombre record d’apprentis en contrat d’apprentissage a ainsi été recruté au sein de nos entreprises. Des recrutements pertinents pour booster l’insertion de tous ces jeunes talents en devenir, mais pas sans conséquence pour le calcul mathématique de la productivité. Eh oui, les étudiants en alternance sont comptabilisés dans les effectifs des entreprises, mais sont naturellement moins productifs qu’un collaborateur expérimenté. Leurs heures de travail sont donc prises en compte dans le calcul de la productivité, mais la valeur créée en face est forcément moindre…

L’explosion des prix de l’énergie en France n’est pas non plus étrangère au ralentissement de notre productivité. À cadence de travail égale, la production des Français se voit retrancher des charges énergiques colossales, ce qui baisse directement la valeur ajoutée nette des sociétés, et donc le PIB du pays. Dans le même temps, l’incertitude sur le cours des prix de l’énergie rend plus frileuses les entreprises, et ralentit mécaniquement les investissements dans l’innovation, les outils ou la formation, ce qui impacte là encore la productivité.

Plus largement, des mutations profondes ont bien sûr aussi chamboulé le rapport des Français avec leur travail. S’il paraît prématuré de diffuser des chiffres fiables sur ces sujets d’après les spécialistes, le télétravail et la recherche de sens au travail sont étudiés de près. Dans quelle mesure ont-ils impacté la productivité ? Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter pour entretenir l’engagement de leurs talents ?

De l’engagement à la productivité, il n’y a qu’un pas

Face à ces constats, la question de l’efficacité au travail est naturellement présente dans l’esprit des chefs d’entreprise, et devient bien sûr un enjeu de taille pour l’avenir de l’économie française. Si vous êtes vous-même en réflexion sur ces sujets au sein de votre entreprise, voici quelques pistes de réflexion concrètes pour maintenir un engagement important au sein de vos équipes :

• Affichez un projet d’entreprise clair et convaincant : les collaborateurs recherchent un projet qui fait sens et qui dépasse le simple contrat de travail. Présentez-leur un cap concret et attractif pour leur donner envie de l’atteindre à vos côtés. Un ADN authentique et une culture d’entreprise forte ne pourront que donner envie à vos équipes de s’engager avec vous !

• Réalisez un diagnostic pour situer votre entreprise en termes de performance, et identifier ce qui fonctionne ou non dans vos différents services. Impliquez si possible vos équipes dans cette réflexion pour obtenir leur ressenti et leur vision. La productivité se bâtît aussi en faisant preuve de bon sens collectif !

• Fixez des indicateurs à suivre et suivez-les dans le temps. Assurez-vous de déterminer des KPI aussi bien quantitatifs (chiffre d’affaires, produits fabriqués, rdv clients obtenus) que qualitatifs (satisfaction clients, mise à jour du CRM interne, taux de défaut d’un produit), et de les décliner pour chaque niveau hiérarchique. La Direction doit pouvoir fixer des objectifs aux managers, puis les managers aux équipes opérationnelles. L’idée est de déterminer à quelle hauteur chacun contribue à l’objectif global.

• Managez par l’exemple : une fois le cap fixé, montrez à votre équipage que vous êtes un capitaine impliqué et irréprochable. Vous attendez de l’expertise ? Soyez-vous-même au rendez-vous sur les sujets de pointe ! Vous attendez de la créativité ? Mettez en place les outils pour la voir éclore ! Vous souhaitez que vos équipes communiquent entre elles ? Soyez vous-même un bon communicant avec des réunions préparées et du feedback régulier pour nourrir les équipes. Vous voulez de l’esprit critique et de l’audace ? Apprenez à recevoir les idées nouvelles et les points de vue qui diffèrent des vôtres. Plus votre comportement sera aligné avec votre discours, plus votre équipe vous suivra !

• Récompensez l’implication : montrez à votre équipe que vous savez identifier et remercier le travail bien fait. Le feedback a un impact énorme sur le moral des troupes, ne l’oubliez jamais. La mise en place de primes sur objectifs peut aussi être un bon booster, à condition que ces objectifs soient bien sûr clairs et atteignables. La souplesse sur les horaires, la mise en place de bonnes conditions de travail et la qualité des équipements de travail sont aussi des fondamentaux à ne pas négliger, notamment dans les postes ou secteurs d’activité où l’argument du télétravail pèse moins. L’actionnariat salarié peut également être une option pour corréler l’intérêt des collaborateurs avec celui de votre entreprise. Les logiques win-win sont vraiment à encourager pour que tout le monde avance dans le même sens et ait un intérêt à se dépasser !

• Faites grandir vos équipes : à la maison comme au bureau, rien de pire que la routine ! En permettant à vos talents d’évoluer, vous maintenez un cap continu dans leur carrière, pour les aider à se projeter chez vous en regardant l’horizon. La formation continue est un bon levier pour développer les compétences de vos collaborateurs, mais aussi tout simplement la responsabilisation et délégation. Il s’agit ici de montrer à vos équipes la confiance que vous leur accordez et leur permettre de jouer un vrai rôle clé au sein de votre entreprise.

• Encouragez le travail en transversalité : le collectif à un vrai impact sur la motivation des collaborateurs au quotidien. Entretenez au maximum l’élan collaboratif au sein de votre entreprise, que ce soit dans l’aménagement de vos locaux, dans la mise en place de projets ou challenges (RSE par exemple), dans la sélection de vos outils internes ou tout simplement dans la façon d’animer vos temps en équipe. La collaboration, ça se nourrit au quotidien, ça ne se construit à coup de beaux slides lors des séminaires d’été ! 😏

• Investissez dans la performance : de façon très psychologique, les courbes d’investissement ont tendance à suivre l’évolution des carnets de commandes. Les creux incitent à la sobriété, et paradoxalement amènent encore plus à rester dans le creux. Celui qui continue d’investir (innovation, outils, process, recrutements, formation) prépare pourtant une remontée plus rapide que ses concurrents. Comme dans tous les marchés, c’est en période de crise que l’on peut préparer les plus belles ascensions !

Historiquement élevée, la productivité française a été mise à mal par la crise sanitaire et d’autres facteurs récents comme l’explosion des prix de l’énergie. Les données montrent un recul significatif par rapport à d’autres pays européens, ce qui soulève des questions sur l’avenir. Cependant, une analyse approfondie révèle que des facteurs conjoncturels jouent un rôle majeur dans cette baisse. En France, l’amélioration de la productivité passera par des stratégies d’entreprise claires et engageantes, dont l’expérience collaborateur sera très probablement le berceau.