[Interview] Ils font le tour du monde pour dénicher les nouvelles pratiques de management !
Cette semaine, Florent (co-fondateur de Happy to meet you) s’est intéressé au projet remarquable de deux étudiants de l’emlyon business school. Romain Thievenz et Thibaud Huriez sont les co-fondateurs de L’Odyssée Managériale, une association dont le but est d’explorer et de partager les nouveaux comportements et les nouvelles pratiques de management dans tout type d’organisation à travers le monde. Ces deux aventuriers dans l’âme s’apprêtent à débuter leur voyage dans un contexte où les portes se ferment de jour en jour…
Bonjour Romain et Thibaud, pouvez-vous vous présenter ?
Nous sommes tous les deux étudiants à emlyon business school et nous nous sommes rencontrés lors d’une mission de solidarité d’un mois aux Philippines avec l’association humanitaire de notre école : Solidari’terre. Nous avons appris à travailler ensemble et nous nous sommes liés d’amitié. Nous partageons un fort attrait pour l’humain et nous souhaitons le retrouver dans les organisations.
Thibaud est un passionné de pêche, d’escalade et de sport de combat. Il adore les voyages et a été marqué par son aventure, seul et se laissant porté par les rencontres dans les grandes steppes de Mongolie à la suite de sa prépa. Il a toujours une corde à son arc et cela sera un atout important dans un contexte aussi incertain.
Amoureux de foot et ancien judoka, Romain est un optimiste qui ne perd jamais son sang froid. Il est allé de nombreuses fois au Sénégal, depuis son plus jeune âge, pour aider son association familiale dont il est devenu le trésorier. Un premier stage chez Great Place to Work lui a donné le goût pour les thématiques que nous abordons.
Vous avez créé une association pour le moins atypique, L’Odyssée Managériale. Comment est venue cette idée ?
Séduits par le projet des Baroudeurs de l’innovation managériale, une association qui a fait partir 4 binômes autour du monde, nous avons postulé et été choisis par les fondateurs, mais l’association a dû être dissoute.
Nous avions eu l’occasion d’écouter le 3e binôme, Mathieu et Cassandre, lors d’une de leur conférence pour rapporter leurs innovations managériales.
Guidés par l’envie que le projet continue, nous avons alors fondé L’Odyssée Managériale avec Léo et François, les fondateurs des Baroudeurs, aujourd’hui consultants chez IBM et Stanwell Consulting. Nous avons également souhaité apporter notre touche en recentrant les sujets et en ne se limitant pas au tour du monde (vocation de créer une communauté avec des événements partenaires au retour).
Nous avons lu, pendant le confinement, beaucoup d’articles et d’études sur le télétravail, la recherche de sens et le désengagement dans les entreprises. Nous nous sommes dit que nous assistions à une grande période de changement. Nous avons donc voulu aller voir directement ce qui se passe sur le terrain.
Quels sont vos principaux objectifs ?
L’Odyssée Managériale est une association de loi 1901 qui a pour but d’explorer et de partager les nouveaux comportements et les nouvelles pratiques de management dans tout type d’organisation à travers le monde.
Nous avons donc comme idée de visiter une trentaine d’organisations de structures et de secteurs différents, connues ou non pour leur bon management. Nous préférons ne pas faire une course au nombre d’organisations dans chaque pays mais nous centrer sur un plus petit groupe afin de pouvoir les visiter en profondeur. Pour ne pas rester en surface dans nos visites, nous envisageons de rencontrer pour chaque organisation :
- des dirigeants pour avoir une vision globale et les enjeux de l’organisation
- des managers pour comprendre quelles pratiques sont mises en place au quotidien sur nos sujets
- des collaborateurs pour avoir leurs ressentis sur ces pratiques mises en place
En termes de rendus, notre objectif est double :
- Produire des contenus à forte valeur ajoutée pour nos partenaires.
- Publier des trouvailles sur nos réseaux pour fédérer autour du projet et inspirer sur des découvertes d’organisations, de personnalités ou de pratiques managériales réalisées durant notre tour du monde.
Au retour, nous ambitionnons de créer, à notre échelle, une communauté pérenne et engagée pour un meilleur management et également de recruter le binôme de l’Odyssée Managériale #2 !
Quand on parle de « management », le sujet est large ! Quelles sont les principales thématiques que vous allez aborder ?
En effet, le sujet du management est large. De nombreuses recherches ont été effectuées et beaucoup d’idées, de concepts sont désormais connues par la plupart des managers, mais il est intéressant de voir comment à travers les cultures, certaines organisations ou certains managers excellent dans l’organisation du travail et les relations entre les collaborateurs : qu’ils appliquent des concepts, innovent ou reviennent simplement à du bon sens…
Nos thématiques principales sont l’engagement des collaborateurs, la relation manager/managé et l’accélération des transformations liées à la Covid (remote management, espaces de travail, management en contexte VUCA,…).
Notre objectif est d’avoir un focus organisationnel avec une vraie volonté de voir ce qui se passe plutôt que ce qui est affiché. Même si nous rencontrerons souvent des acteurs RH, nous nous concentrerons surtout sur la partie managers/collaborateurs.
Quelles sont les principales entreprises que vous souhaitez visiter et les principaux dirigeants que vous allez interviewer ?
Encore une fois, nous visons des organisations de tous secteurs, publiques comme privées et de toutes tailles. Nous souhaiterions avoir un panel d’organisations bien diversifié. En revanche, pour pouvoir voir la réplicabilité des pratiques nous tâcherons de garder une cohérence et de visiter des multinationales dans les 3 zones où nous partons, des acteurs publics dans ces 3 zones, etc…
Nos objectifs en termes d’organisation : des grandes instances comme l’OMS au Danemark, des multinationales comme Heineken aux Pays-Bas, L’Oréal ou Volvo en Suède, IBM dans différents pays, des organisations connues pour leur bon management comme EASI ou Protime en Belgique, des jeunes pousses comme Platypus au Danemark…
Nous avons commencé en France avec un premier article sur Valérie Ader, ex-présidente et fondatrice de Colombus Consulting. Nous avons visité la ville de Caluire-et-Cuire, innovante dans son management (charte managériale et principe de subsidiarité à tous les niveaux) et travaillons actuellement sur une visite d’une entreprise privée dans le secteur du BTP-nucléaire.
Comment allez-vous financer votre voyage et, à l’heure des restrictions de déplacements entre pays, quelle organisation avez-vous prévue ?
Le voyage est entièrement financé par nos sponsors. Nous avons défini un budget en se basant sur le retour d’expériences des Baroudeurs et en fonction du contexte sanitaire. Nous avons ensuite levé les fonds auprès d’organisations en échange de contreparties (communication, diffusion d’articles privés, de livre blanc…).
Notre première difficulté était de lever les fonds juste après le confinement, ce moment où beaucoup d’entreprises “ramassaient les pots cassés” n’était pas le plus favorable au sponsoring d’un projet étudiant sans garanties et basé sur un tour du monde en pleine restrictions de voyages ! Mais nous avons réussi.
Aujourd’hui, nous sommes déterminés et prêts à relever notre deuxième défi, celui justement de voyager dans un contexte où les portes se ferment de jour en jour, où les quarantaines se multiplient et où les visites d’organisations sont presque impossibles.
Pour cela, nous avons plusieurs “cordes à notre arc”. Tout d’abord nous pouvons réaliser ces six mois d’exploration sur une période de dix mois (pour palier par exemple à un ou plusieurs confinements dans certains pays). Ensuite, nous utiliserons des invitations officielles des entreprises que nous visiterons dans la plupart des pays où nous nous rendons. Notre projet s’inscrit dans une étude que nous menons avec notre école, l’emlyon, ce qui peut nous permettre d’obtenir certains visas étudiants. Enfin, notre itinéraire n’est pas figé.
Nous avons divisé nos six mois d’Odyssée en trois périodes de deux mois correspondants à trois zones géographiques modulables. La première partie concerne l’Europe du Nord (Belgique, Pays-Bas, Danemark, Suède, Norvège), en voie terrestre uniquement. Ensuite nous nous rendrons en Asie (Corée du Sud et Japon) avec des pistes “plan B” en Chine et au Vietnam. Nous finirons ensuite par la Californie, le Canada et le Brésil. Voici le programme sur le papier. En réalité, nous ferons preuve de la plus grande agilité pour nous adapter presque au jour le jour aux nouvelles restrictions et/ou opportunités !
Avez-vous des partenaires ? En recherchez-vous d’autres et qu’attendez-vous d’eux ?
De la startup RH au grand groupe français, nous avons une petite dizaine de partenaires très diversifiés ! Les cabinets de conseil centrés sur nos thématiques ont été les premiers à nous soutenir et nous aident sur le cadre méthodologique de nos entretiens. Notre école nous soutient également et nous a permis de constituer notre flotte d’experts : des professeurs-chercheurs spécialisés sur l’engagement, les nouveaux espaces de travail, le management interculturel…
Aujourd’hui, nous signons nos conventions. Le budget est atteint et nous nous concentrons sur les attentes de chacun. Nous ne sommes donc pas à la recherche de partenaires supplémentaires mais restons ouverts à toute proposition.
Notre philosophie avec nos partenaires est celle de la co-construction de la confiance. Nous ne sommes pas des experts mais nous pensons que notre regard et notre agilité pour récolter des bonnes pratiques dans un tel contexte sont un plus. En échange, nos partenaires nous soutiennent financièrement et nous aident sur nos grilles d’entretien ou sur l’aspect théorique avec les professeurs de notre école.
A l’heure du « monde d’après », selon vous, quels sont les enjeux majeurs en termes de ressources humaines et de management à venir ces prochaines années ?
Beaucoup parlent du monde d’après comme d’un monde technologique. Evidemment, certains outils sont et seront importants mais, selon nous, le monde de demain devra être plus humain car plus nous nous digitalisons, plus nous oublions l’essentiel : notre caractère social. Le Taylorisme, même modernisé, a enfermé dans des processus notre droit à l’erreur, notre créativité, l’inconnu, les rencontres…
Que ce soit dans les relations de travail, dans les rapports sociaux mais également dans la portée de chacune des organisations, nous devons toutes et tous prendre des engagements sociaux, sociétaux ou environnementaux.
Le besoin de sens, que l’on associe à notre génération, se ressent en réalité à travers toutes les classes d’âges. L’urgence climatique, le lendemain d’une crise sanitaire, sociale et économique sont autant d’accélérateurs qui permettront à chacun de “trouver sa cause” et de s’épanouir dans son environnement professionnel, dans tous les métiers.
Les concepts d’entreprise à mission, la définition d’une raison d’être, les labels B-corp ou Great Place to Work sont autant de moyens pour mettre un pied dans ce monde d’après.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres étudiants qui voudraient lancer leur propre association ou entreprise dans le monde du management ?
Foncez ! Aujourd’hui notre projet est construit mais il repose sur de nombreuses incertitudes. On ne sait pas si on pourra réaliser ces six mois d’Odyssée mais ce n’est pas grave, la meilleure façon de savoir si on peut le faire, c’est d’essayer. Rien que la préparation d’un projet comme celui-ci nous a fait grandir : côté juridique avec les contrats de partenariat, côté relationnel sur la chance de traiter avec des CEO de cabinets de conseil, des DRH de groupes français… Nous avons contacté beaucoup d’alumnis, de professeurs, de potentiels partenaires, d’organisations à visiter… Il y a beaucoup de travail oui, mais c’est très stimulant de travailler pour un projet qui a du sens pour les personnes qui le réalisent et encore quand on ne veut pas décevoir les parties prenantes.
Un livre, un blog, une personne en entrepreneuriat, management ou ressources humaines à nous recommander ? Pourquoi ?
- Pour comprendre que l’argent n’est pas le coeur et que la motivation intrinsèque est un levier pour manager des équipes : La vérité sur ce qui nous motive de Dan Pink.
- Pour comprendre comment travailler efficacement dans le but de dégager plus de temps à consacrer à sa vie privée : La 25e heure de Guillaume Declair, Bao Dinh et Jérôme Dumont.
- Pour s’inspirer des convictions humaines du fondateur de Sodexo, nous recommandons la lecture captivante de Servir et Faire grandir de Pierre Bellon.
- Et bien sûr, les classiques : le blog de corporate rebels, Reinventing organisation de Frédéric Laloux et Isaac Getz avec Liberté & Co si ce n’est pas déjà fait !
Retrouvez l’Odyssée Managériale
Sur leur site web : odysseemanageriale.com